Velocipedus japonii

Publié le par Kriek

Le vélo est un accessoire indispensable au Japonais. Nul ne saurait parler du Japonais sans évoquer le fabuleux destin qui le lie à la vie à la mort à sa bicyclette. C'est son grand amour, son poumon, sa raison de vivre. Sans bicyclette, le Japonais broie du noir, a l'œil terne du paresseux shooté au curare et se met à picoler. (Enfin, plus que d'habitude, ça va de soi.)

 

Pratiquement tout le monde possède une bicyclette. C'est d'autant plus étonnant que le pays n'est pas réputé pour être spécialement plat, de même que les Japonais ne sont pas non plus remarquables pour leur goût de l'effort physique au quotidien. Il suffit de voir les queues pour prendre les escalators dans le métro le matin, alors que les escaliers sont déserts.

Mais il faut une exception qui confirme la règle.

 

La principale utilisation de ce machin consiste pour l'essentiel de la population active, à aller de chez soi à la gare la plus proche pour y prendre son train le matin, et à faire l'inverse le soir en grognant. Des parkings à vélo immenses (et payants) sont présents à proximité toutes les stations et les gares, et les gens ne se privent pas de les utiliser. À tel point que l'Allemagne, souvent citée à ce titre comme exemple, fait pâle figure à côté : au Japon, la formule vélo + train est une habitude ancrée depuis fort longtemps et plutôt bien perpétuée.

 

Il faut de plus noter que l'urbanisme à la japonaise privilégie les petites maisons et l'étalement des banlieues, plus que la construction de tours. Du coup, nombreux sont les gens à habiter à perpète de la moindre gare, et le vélo offre une aide précieuse.

Mais il y en a même qui utilisent cet outil pour le plaisir, ou pour aller un peu partout. Certains téméraires vont même jusqu'à aller au boulot avec, mais ils sont rares.

 

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(Ça, c'était le garage à vélo du Gourbi.)

 

Mais pour autant, les Japonais ne font pas vraiment honneur à la petite reine. Oubliez l'élégante gitane ou le pimpant VTT coloré, la plupart des gens roulent sur des épaves innomables faisant un bruit horrible, bien souvent bouffées par la rouille à force de rester tout le temps dehors sous la pluie, et qu'on aurait, à première vue, un peu de mal à cataloguer comme "vélos".

 

Et au quotidien, ils sont plutôt dangereux. Mais c'est moins à mettre sur le compte des vélos que sur celui des gens qui les chevauchent.

En effet, plus encore qu'en voiture, le commun des Japonais à vélo conduit comme un sac à patates. Vu qu'il est conseillé, voire obligatoire pour les cyclistes de circuler sur le trottoir et non pas sur la route (!!!), le piéton doit là aussi toujours surveiller ses arrières et rester sur ses gardes à tout instant.

 

Petit guide sociologique de la population vélocipédique nippone : pour plus de facilité de lecture, nous les classerons par dangerosité.

 

 

Le sportif (Degré de dangerosité : nul)

 

Le sportif roule sur la route, le trottoir ne satisfaisant pas ses désirs de pointe de vitesse. Par conséquent, il est hors charte.

 

 

La femme au foyer  (Degré de dangerosité :  )

 

Plutôt observables en journée, elles sont prudentes et donc inoffensives, d'autant plus quand elles sont jeunes, à moins de faire encore partie de la catégorie "collégienne" (voir plus bas). Attention toutefois par temps pluvieux à celles qui portent un parapluie en pédalant, même si elles sont généralement capables de vous voir arriver.

 

 

Les petits  (Degré de dangerosité : )

 

Jusqu'à leurs dix ans, ils restent très prudents et ne s'aventurent guère hors du périmètre de sécurité défini par Môman. Toutefois, même conscrits, ça reste des mômes et une connerie n'est jamais bien loin.

 

 

Le djeunz (Degré de dangerosité : )

 

Le djeunz (comprendre : entre 10 et 20 ans, bien que cette période puisse parfois s'allonger au-delà) est une espèce déjà plus dangereuse. Il officie rarement seul et est souvent aidé dans sa tâche par un ou deux congénères. Ceux-ci prennent plaisir à se trimballer à la cool, et tiennent toujours le guidon d'une main, l'autre étant soit dans la poche pour se gratter les noix, soit occupée par un téléphone portable (cas fréquent) ou une canette de soda. Dans tous les cas de figure, ils ne font qu'occasionnellement attention à ce qui se passe devant.

 

Autre particularité, la selle toujours réglée au plus bas et les genoux dans le guidon, ce qui leur confère une trajectoire bizarre et zigzagante. Fort heureusement, cette position idiote ne leur permet de dépasser les 5 km/h qu'en se mettant en danseuse, ce qu'ils ne font que lorsque c'est vraiment nécessaire (voir plus haut), d'autant plus qu'ils portent souvent une lourde charge (sac de sport). Ça les rend quand même moins dangereux.

 

 

Le salary-man (Degré de dangerosité : )

 

Celui-ci est plutôt inoffensif le matin, lorsqu'il se rend au boulot, à condition qu'il ne soit pas à la bourre. Dans ce cas précis, il sillonnera tout le quartier en pédalant à en péter la chaîne, pour aller prendre son train où il aura tout le loisir de s'entasser avec ses congénères.

Le soir, il conduit à vitesse normale, mais de mauvaise humeur après une journée de boulot, et donc de manière particulièrement agressive. Il faut toujours bien regarder aux carrefours car ils ne s'arrêteront que rarement. Chez certains, le téléphone portable est aussi de mise.


Le vendredi soir ou pendant les vacances, il est fréquent de le voir errer en zigzagant tard le soir, avec un bon litre de liqueur de prune (umeshu) dans le gosier. Il devient alors plutôt poussif mais imprévisible dans ses mouvements.

 

 

La collégienne (Degré de dangerosité :  )

 

La collégienne souffre des mêmes tares que ses semblables masculins, mais en pire. La période de prédilection va là aussi de 10 à 20 ans, mais elle a tendance à déborder largement au-delà.

Elle se déplace également assez rarement seule, et le groupe ainsi formé roule généralement à deux ou trois, de front, pour pouvoir se raconter des conneries. Le danger est alors à multiplier par le nombre de copines. Le téléphone portable, qui pousse dans la main de la fille japonaise vers 10 ans pour y rester collé la vie entière, est également un outil indispensable à vélo.

 

Très lentes, on peut heureusement les voir arriver. Mais gare à vous si vous les croisez à un angle de rue. En revanche, si vous êtes derrière, vous êtes condamné à vous traîner lamentablement sans possibilité de les dépasser, sauf à passer sur l'autre trottoir.

 

 

Le troisième âge (Degré de dangerosité :    )

 

Les vieux sont plutôt pacifiques lorsqu'ils sont sur leurs deux pattes (bien qu'encombrants), mais une fois leur gadin enfourché, ils deviennent de véritables machines à tuer. Ils sont dehors à toute heure de la journée, et croient que le trottoir et la route sont à eux. Peu importe leur âge, ils pédalent à une vitesse folle, et ne s'arrêteront que face à un mur en béton armé.

La gent féminine (communément nommée "mémères") est de loin la plus dangereuse et la plus nombreuse.


Ils sortent le plus souvent harnachés comme des cavaliers : bottes en caoutchouc, pantalon de jardinier et parapluie seront de mise s'il pleut ; s'il fait beau, parasol, lunettes de soleil, gants et visière de golf ; s'il fait froid, vêtements tellement épais que même un Inuït trouverait qu'il y fait chaud, et manchons sur le guidon.

 

Les lunettes de vue, la sonnette sur le guidon et la lumière à l'avant, sont en revanche en option. De nuit, vous avez intérêt à faire gaffe à vos abattis, et à vérifier trois fois derrière vous avant de faire le moindre écart sur votre chemin.

Les freins du vélo, qui ne sont jamais graissés, sont par contre un signal d'alarme efficace pour leur permettre de signaler leur présence, au grand plaisir de vos tympans. En particulier lorsqu'ils pilent à dix centimètres de vos fesses.

Si vous gênez leur chemin, ils freineront net ou feront un écart de plusieurs mètres, en vous jetant un regard perçant et très désapprobateur qui veut dire grosso modo : "toi mon gars / ma fille, la prochaine fois je te louperai pas".

 

L'augmentation de l'espérance de vie fait que les Japonais enfourchent ces sacs à rouille à des âges de plus en plus avancés, et tout cela n'annonce rien de bon pour la suite. Mais alors vraiment rien de bon.

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L
<br /> Je n'apprécie pas le complet sur les mémères!!! même si je prends un imper et non un parapluie.<br /> <br /> <br />
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K
<br /> <br /> Boh tu portes pas de visière de golf par beau temps, c'est une bonne chose. <br /> <br /> <br /> Un pébroc c'est bien quand il pleut fort quand même, mais comme je disais, c'est quand même mieux de pouvoir l'accrocher au guidon.<br /> <br /> <br /> <br />
K
<br /> A noter également que de nombreux japonais sont équipés de parapluies transparents, ce qui est pratique pour pédaler même par temps de pluie!<br /> <br /> <br />
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K
<br /> <br /> J'en ai un aussi, ces saletés en plastique qu'on achète 500¥ Malheureusement, dès qu'il pleut un peu, on voit plus<br /> rien à cause des gouttes (comme sur les carreaux de lunettes).<br /> <br /> <br /> Certains perfectionnistes ont un machin sur le guidon pour que le parapluie tienne tout seul, ce qui leur permet de tourner et de freiner avec les deux mains. Mais ils sont encore trop rares.<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> Le danger est partout, surtout à vélo! Même que Ben Laden, je l'ai croisé ce matin, sur un vélib, et SANS CASQUE! Si ça c'est pas un danger public!<br /> <br /> VADE RETRO VELO!<br /> <br /> <br />
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K
<br /> <br /> Tu racontes des craques, je buvais encore le café avec lui hier matin.<br /> <br /> <br /> <br />