Chaud Yûrakuchô

Publié le par Kriek

J'habite dans un coin un peu reculé de la banlieue de Tôkyo, mais d'où fort heureusement je peux me rendre directement en métro au travail, moyennant une petite promenade de santé d'une quinzaine de minutes jusqu'à la station (quand il fait beau !). Le voyage quotidien me prend environ 50 minutes de porte à porte.

 

La ligne de métro qui dessert ma banlieue toute pourrite pour m'amener au turbin, c'est la ligne Yûrakuchô ou Yûrakuchô-sen 有楽町線, qui s'appelle comme ça pour la bonne raison qu'elle dessert Yûrakuchô, littéralement "le quartier ou il y a de la joie" (n'en déplaise à Charles Trénet), un gros nœud de transport près du Palais Impérial.

 

Et son mode de fonctionnement a de quoi laisser perplexe le profane en matière de vie ferroviaire tokyoïte.

 

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Le plan de la ligne ci-dessus, présent sur les quais, puisse-t-il en témoigner.

Ce plan est exactement ce dont il a l'air : c'est le bordel.

 

La ligne Yûrakuchô est identifiée sur les plans par une couleur jaune-kaki laide. Identifiée comme une seule ligne pour plus de facilité de lecture, elle est en réalité couplée sur la majeure partie de son trajet avec la ligne Fukutoshin (Fukutoshin-sen 副都心線), ici en marron. Littéralement, la "vice-ligne de centre-ville", car elle a été ouverte en 2008 pour concurrencer un peu la Japan Railways et sa fameuse ligne Yamanote sur le tronçon Shibuya - Ikebukuro, l'un des plus chargés du monde.

 

La ligne dessert aussi ma station, et me permet donc si j'en ai envie d'aller à la Shibouille sans me casser la tête. (1) Les deux lignes me permettent également de me rendre à Ikebukuro histoire de faire un peu quelque chose de mon dimanche après-midi.

 

 

Ces deux lignes fonctionnent donc ensemble copain-copain, en partageant en bonne partie leurs voies, avec deux lignes de banlieue en interconnexion, la Seibu Ikebukuro et la Tôbu Tôjô (celle-là même qui fait chier avec ses passages à niveau).

Ce qui forme en réalité une seule et énorme ligne à quatre branches, un fatras incroyable en forme en X qui couvre pratiquement tout le nord-ouest de Tôkyô, et où un seul train peut parcourir plus de 80 km de bout en bout en omnibus complet.

 

Au niveau du centre de ce X, les lignes Fukutoshin et Yûrakuchô se chevauchent avec leurs voies qui se croisent... à niveau. Sans compter tous les terminus intermédiaires, et sans compter non plus que la ligne Fukutoshin comporte des trains express qui sautent certaines stations.(2)

 

Ce qui aboutit à l'existence d'une grille horaire réglée à l'archi-micropoil, d'une complexité qui ferait passer les régulateurs du RER A à Paris pour des fillettes.

 

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Dans ma station, pourtant située sur une branche, la fréquence est à 3-5 minutes entre chaque train, et le gros réseau tout entier affiche rarement plus de deux minutes de retard sur l'horaire.

Mais bon, si ce système fonctionne dix fois mieux que ladite ligne parisienne, c'est au prix de plusieurs choses :

 

- Un magnifique modèle de train (du à la construction très récente de la ligne Fukutoshin), les Tôkyô Metro 10000 series (voir image ci-dessus), à l'intérieur sobre mais classieux et plein d'écrans d'information dernier cri (voir la vidéo de cet article).

- Une fréquentation bien moindre, la compagnie Tokyo Metro connaissant un trafic modéré par rapport à la Japan Railways qui gère les plus grands barreaux de communication. Les heures de pointe, à défaut d'être très drôles à vivre, sont tout de même rarement insoutenables.

- Ladite grille horaire, qui comporte pas mal de bizarreries parfaitement prévues mais qui feraient hurler plus d'un mec en France.

 

Exemple illustré pour expliquer ce dernier point.

Dans ma station, comme je le disais, les lignes Yûrakuchô et Fukutoshin passent toutes deux dans ma station en partageant les mêmes voies. Si à l'heure de pointe on attend relativement peu, les heures creuses et les week-ends sont une autre affaire. Si on arrive la bouche en cœur un dimanche en se disant "chouette, aujourd'hui je vais descendre à Tôkyô !", on tombe fréquemment sur ce genre de panneau d'affichage en arrivant sur le quai.


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Ce qu'affiche le tableau est exactement ce dont il a l'air (lui aussi), et fait généralement pousser un "oh putain !" à sa vue.

 

Il indique en effet que le prochain train est un express qui traverse la station sans arrêt, et les deux suivants, à destination de Shibuya (ligne Fukutoshin) et Shin-Kiba (ligne Yûrakuchô) arrivent dans... respectivement 8 et 11 minutes !!!

 

Dans le même genre, on peut également avoir jusqu'à quatre trains à la suite pour la ligne Yûrakuchô, suivis de deux trains à la suite pour la Fukutoshin, en jour de semaine et à 8h45 du matin, de manière complètement normale et prévue par la grille horaire (!!!!).

 

C'est pourquoi tout le monde possède son exemplaire de la grille d'horaires, moi compris, et s'arrange pour être à la bonne heure à la station. Tant pis lorsqu'il y a des perturbations. Il faut aussi noter que les grilles changent très régulièrement pour tenter de les rendre plus performantes, mais il y a toujours quand même quelques ratés.

 

Comme quoi même au Japon, tout n'est pas parfait en la matière. Mais on est au Japon, et au Japon personne ne se plaint.

 

(1) Sauf que j'en ai pas envie.

(2) Attention, prenez des notes parce que je répèterai pas.

Publié dans Transport

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